Mars 2019 — Entrons dans le vif du sujet avec le premier aspect du field holler, l'appel à distance dépourvu de paroles, abondammnt commenté mais très rarement entendu, qui fera l'objet de trois chapitres successifs.
La pratique du « hollerin' » par les agriculteurs d'origine occidentale n'a apparemment
aucun rapport avec la tradition afro-américaine, mais elle a le mérite d'être clairement attestée. Paradoxalement,
on lui a donné le nom de « nigger holler », un terme méprisant qui ne signifie pas
nécessairement que cette forme de cri se soit inspiré d'une tradition noire.
La recherche de ce qui distingue le hollerin' « blanc » du field cry se heurte
a une difficulté majeure : il n'existe aucun enregistrement de son expression afro-américaine. Les rares exemples
invoqués sont des réminiscences sollicitées par les folkloristes, ou bien des éléments expressifs proches du cri, mais totalement intégrés à des chants structurés, rythmés et dotés de paroles.
Afin de mettre en évidence le rôle du cri durant la période de l'esclavage, Harold Courlander a fait
appel à la mémoire d'une unique intervenante, recueillant en 1950 ce qui était passé inaperçu
durant la première moitié du siècle. En réalité, le bref chapitre intitulé Cries, Calls, Whooping ang Hollering, dont se sont inspirés
par la suite la plupart des écrivains, inclut des exemples qui ne présentent avec l'appel à distance qu'un vague rapport thématique.
Néanmoins, on saura gré à Courlander de reconnaître qu'il s'agit là d'une tradition universelle en milieu rural,
et en aucun cas d'un héritage africain.
Il est vraisemblable que la qualité du field cry afro-américain ait résulté de la pratique quotidienne du chant,
un trait culturel attesté depuis les premiers temps de l'esclavage ; le processus inverse, l'influence du « cri
primitif » sur la musique, relève davantage de la spéculation.
Quittin' Time Song I (Samuel Brooks)
Quittin' Time Song II (Samuel Brooks)
Field Calls (Annie Grace Horn Dudson)